Humilité
L’humilité : « sentiment de sa propre insuffisance qui pousse à réprimer tout mouvement d’orgueil »
Je sens le moment venu d’un bilan de mes trois premiers mois de voyage. J’ai quitté la Suisse il y a trois mois avec un objectif : me rapprocher de mon équilibre et de celle que je suis.
Bilan de mes trois premiers mois de voyage
En ce qui concerne l’équilibre, on repassera. Difficile à trouver prise dans un tourbillon de découvertes, d’envies, de rencontres et de changement. Cependant le long chemin traversé avec la maladie et maintenant le voyage me font de jolis signes.
Je me connais et sais quand c’est trop, quand j’aime et quand je n’aime pas, écouter si j’ai besoin de repos ou si je peux pousser mes limites. Je sens quand m’éloigner et quand revenir. J’ai appris à suivre mon coeur et des propositions folles qui me permettent des expériences inoubliables et ça c’est un cadeau.
Outre découvertes, voyage, rencontres et plaisir, le mot qui reflète le mieux le début de ce voyage est : Humilité.
Comment je découvre l’humilité
Humilité de vivre dans un autre pays, une autre culture, de devoir parfois suivre des règles qu’on ne comprend pas. J’ai bien compris les codes de ma culture, de mon pays et de ceux qui l’entourent, je les respecte et je sais aussi quelle marge j’ai pour négocier, discuter, entrer en relation. En voyage tout cela change! Cela demande de l’observation, un temps de recul parfois et des qualités d’adaptation.
Humilité de se retrouver une semaine au milieu des éléphants, ces animaux majestueux et doux. Après 6 semaines sur une île thaïlandaise où j’avais du mal à me poser tant la vie quotidienne est riche et énergisante, ce fut un bonheur de m’éloigner seule. Je me suis retrouvée dans les montagnes du nord, des hectares de terrain ou se baladent chiens et éléphants. Un lieu où je me suis sentie ancrée, les pieds bien sur terre et reposée en contact avec la nature.
Les éléphants en Thaïlande, une belle leçon d’humilité
Attention âmes sensibles : une semaine de volontariat dans un camp, refuge pour éléphants sauvés de la maltraitance due à leur utilisation pour le plaisir des touristes. 76 éléphants, 76 histoires abominables et tristes avant une retraite, des câlins et une « liberté » retrouvée.
Et moi petite humaine qui a en ce moment comme seul souci ce fameux équilibre. Pour certains éléphants, 80 ans à travailler sans relâche, sept jours sur sept. Pour tous, le fameux Pajan ou rituel qui consiste lorsqu’ils sont bébés à les attacher et leur faire subir des coups et actes de torture afin de briser leur esprit et qu’ils obéissent sans réaction à ce que l’homme voudra faire d’eux.
Des années à amuser les touristes avec des tours (football, peinture, jonglage) appris à force de violence. Porter ces mêmes touristes sur leur dos toute la journée, parfois 80 tours de 10 minutes, 500 kilos sur un dos fragile, un collier de métal avec des piques entrant dans le cou à chaque mouvement non autorisé.
Je vais arrêter là car je pense que vous avez compris.
Admirative devant ces personnes qui travaillent chaque jour à réparer ce que d’autres ont brisé, je me sens aussi redevable, coupable pour ce que d’autres de la même espèce que moi, que nous, osent faire à ces animaux merveilleux.
Un peu de prévention si vous voyagez
Je ne peux clore ce paragraphe sans faire un peu d’éducation touristique : éléphants, singes, tigres, crocodiles, oiseaux dans les temples qu’on vous propose de relâcher.
Ce sont des animaux sauvages et tout ce qu’on vous propose en voyage implique de la maltraitance même si ces animaux vous semblent « heureux ? » : maltraités, drogués, mères tuées pour capturer les bébés, camps de reproduction forcés.
Lorsque nous arrêterons de consommer ce trafic s’arrêtera peut-être.
L’Inde : un pays qui nous apprend l’humilité
Après cette expérience magique, je me suis envolée pour l’Inde. J’ai rejoint des enseignants de yoga et amis rencontrés en Thaïlande afin de découvrir ce pays et aussi de pratiquer intensément avec eux avant ma formation.
Une humilité cette fois extraordinaire, dans le sens de tout avoir à apprendre et découvrir. Les yeux écarquillés, j’en prend plein les sens. J’accepte la poussière, l’inconfort, le bruit et l’inconnu.
Un bonheur de voyager sans repères, d’être surprise chaque jour par des paysages, des visages, des codes et rituels que je ne connais pas du tout. On me demande régulièrement si j’ai eu peur, si c’était difficile de voyager dans ce pays. Et bien non. Mais j’étais bien accompagnée au début par des personnes qui connaissent bien l’Inde, j’étais dans une région « facile » car habituée au tourisme. Il y avait des aménagements pour (parfois des toilettes avec du papier, des légumes et fruits lavés à l’eau filtrée,…).
De par mon métier d’éducatrice spécialisée, j’ai réalisé que je suis habituée à déceler les situations et regards qu’il vaut mieux éviter. J’ai la chance d’avoir un sens aiguisé qui me permet de savoir à qui je peux me fier et de qui j’ai meilleur temps de m’éloigner. Peut-être acquis au fil de mes années professionnelles mais surtout à force de me reconnecter à mon intuition.
Notre plus beau miroir d’humilité : la nature et les animaux
Humilité à nouveau face à la nature et aux animaux, encerclée par des singes qui défendaient leur territoire. Qui suis-je pour penser qu’ils vont accepter que je passe au milieu d’eux avec leur bébé? Une femme qui se dit que parce qu’elle aime les animaux, a passé une semaine avec les éléphants et se sent connectée à la nature avec un devoir de la protéger. Ce matin là j’ai eu bien peur et ai été remise à ma place par Mère Nature et protégée par l’arrivée d’hommes.
Les hommes en Inde, encore une leçon d’humilité
Car oui ce n’est pas chez nous et oui il y a d’autres moeurs qui peuvent nous choquer à l’égard de la femme. En tant que femme en Inde on y est confrontée. On « doit » laisser la place aux hommes, se déplacer sur le trottoir, baisser les yeux, ne pas répondre.
J’ai rencontré des femmes qui disaient qu’elles se révolteraient ou ne pourraient pas. De mon côté j’accepte. Je ne suis pas chez moi et pas là pour bousculer les moeurs mais pour découvrir.
Au moment de quitter Rishikesh, berceau du yoga au pied de l’Himalaya, j’ai décidé de tenter l’aventure d’un petit voyage seule. J’ai pris un bus de nuit direction Agra et le Taj Mahal.
Une expérience riche qui m’a demandé de faire confiance. Faire confiance à des hommes que je ne connais pas, m’arrêter au milieu de nulle part. Etre la seule femme et touriste dans ce bus, descendre à nouveau au milieu de nulle part dans la nuit à 5h du matin.
Monter dans un tuk-tuk dont le jeune chauffeur inspire confiance, s’arrêter en route pour prendre ses amis au passage, flipper un peu. Il fait nuit, 40 minutes de route, entre vaches, chiens, hommes qui dorment sur le trottoir avec des feux pour se réchauffer. Une ambiance peu rassurante mais pourtant je dois faire confiance, je n’ai pas le choix. Humilité. Je ne connais pas cet endroit, je ne sais pas, je suis seule la nuit, je dois faire confiance à cet homme et me fier à ma première impression.
Yoga et Humilité
Avant de partir en Inde, je me définissais comme « débutante avancée ».
Heureusement pour moi j’étais déjà humble face à mon niveau de yogi!
J’ai eu la chance de partager la pratique quotidienne de deux enseignants et yogis extraordinaires, Alex et Oliver http://joyjoyenjoy.com/ qui m’ont introduit à l’ashtanga. La chance également de partager ce voyage à nouveau avec mon amie Karen elle aussi enseignante et yogi expérimentée http://www.lumiereyoga.co.uk
Bien entourée et coachée, j’ai appris, sué, aimé, détesté, repoussé mes limites et senti chaque muscle de mon dos se réveiller.
Apprendre : une posture d’humilité
Au quotidien, ils m’ont accompagné avec douceur et bienveillance. Pour moi qui ai un léger syndrome de « première de classe » ou plutôt qui n’aime pas me montrer faible et inexpérimentée, c’était compliqué.
Pas possible de se cacher au fond d’un cours pour progresser à mon rythme. Ils voient mes faiblesses, défauts et difficultés et ça c’est dur! Je prends sur moi, c’est ainsi que je vais apprendre même si je n’aime pas ça.
Je sais aussi qu’il n’y a pas de jugement, que ce sont des amis, des enseignants qui aiment partager leur connaissance.
Et les connaissances ils en ont. J’apprends également tant sur la philosophie du yoga dans ce berceau immergée dans la culture des dieux, du yoga, de l’histoire.
Etre celle qui ne sait pas
Tous les trois, comme ceux que je rencontre pendant ces trois semaines sont si cultivés, intéressants, intéressés.
Parfois des mots m’échappent, des mots en sanskrit que je ne connais pas, les piliers du yoga, les Yamas, Nyamas, le Samadhi, les noms des Asanas, Mokshas, Maya. Parfois je suis, parfois je suis perdue.
Ce sentiment de « I’m not good enough » je suis la seule qui ne sait pas, baby yogi qui commence son voyage parmi tous ces yogis incroyables qui voyagent depuis des années. Je lis, j’essaie de comprendre, je veux tout rattraper, faire partie de ceux qui savent, je m’éparpille, mes lectures sont trop compliquée, je rame au final je ne sais rien. Humilité.
J’écoute, j’apprends maintenant et j’apprendrais au long de mon chemin et je commence à lire un livre sur l’introduction au yoga.
Accepter qu’on n’est pas doué
Un jour, je me filme et là dans ma chambre en regardant cette vidéo, je pleure. Des pleurs de dépit face à mon niveau bien plus bas que je l’imaginais, je pleure de fatigue de me lever tous les jours si tôt, de faire tant d’effort pour ce résultat que je trouve pitoyable.
J’ai envie de lâcher, je me dis à quoi bon, il y a d’autres choses dans lesquelles je suis douée et qui me coûtent moins. Mais j’aime le yoga, la paix et l’énergie que cela m’amène. Cet équilibre qui me tient tant à coeur.
Je me rappelle aussi tous les sports essayés enfant et adolescente que j’abandonnais au premier échec, je me rappelle encore ce contrat avec moi-même : mon corps en est capable et je veux me dépasser pour me sentir encore mieux.
Se relever
Alors le lendemain matin, j’étais à nouveau sur mon tapis. Grande première pour moi souvent si fière, j’en ai parlé. J’ai dit ma déception face à ce que j’ai vu, mon envie de lâcher.
J’ai pu partager mes ressentis qui ont été reçus, compris. Je ne réalisais pas qu’eux, si doués et confiants, étaient passés par les mêmes écueils. Et encore moins qu’à leur niveau si enviable, ils continuent chaque jour à se confronter à plus difficile, à leurs limites, à la difficulté.
Je me suis rappelé que le processus est ce qui compte le plus. Ils m’ont rappelé ma pratique du mois de janvier et m’ont décrit la progression qu’eux ont observé. Une belle leçon d’humilité…
Une semaine passe, la plus difficile car plus consciente de mon niveau et des limitations de mon corps. Ouvrir ses épaules et cette poitrine, ne plus éviter les backbends, être à l’aise et trouver mon équilibre la tête en bas (et la je réalise que j’ai un vrai truc à creuser avec cette notion d’équilibre!).
Retour en Thaïlande
De retour en Thaïlande, je retrouve pour 3 jours mon papa dans une petite station balnéaire. Mon père, plongeur passionné avec plus de 300 plongées à son actif.
Après deux jours, nous partons en mer et la vie m’offre à nouveau une leçon d’humilité. J’ai mon Open Water mais 6 plongées derrière moi. Je suis à nouveau le bébé du groupe, celle à qui ont doit expliquer, celle qu’on doit attendre, celle qui doit observer les autres, écouter les conseils et les appliquer pour progresser.
Les leçons d’humilité, un cadeau de la vie
Merci la vie pour ces beaux moments d’apprentissage. Gratitude pour ces merveilleux enseignants rencontrés qui m’offrent ces opportunités d’aller plus au fond de moi.